Cass. soc. 30 mars 2011 n° 09-71.542 (n° 835 FS-PB), Placide c/ Caisse fédérale du Crédit Mutuel des Antilles et de la Guyane
Constitue une discrimination le changement d’affectation motivé par l’état de santé du salarié déclaré apte à la reprise de son emploi dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique.
L’affaire jugée par la Cour de cassation concernait une salariée, directrice d’une agence bancaire, placée en arrêt de travail pour maladie durant près d’un an à la suite d’un accident vasculaire cérébral. Lors de la visite de reprise, le médecin du travail s’était prononcé pour une reprise du travail en mi-temps thérapeutique. L’employeur l’avait alors affectée à mi-temps à un poste de superviseur d’un centre d’appel téléphonique en lui précisant par courrier que le mi-temps thérapeutique prescrit était incompatible avec son ancien poste de directrice. Estimant que l’employeur lui avait ainsi imposé une modification unilatérale de son contrat de travail dans la mesure où les nouvelles fonctions ne correspondaient pas à sa qualification, la salariée a pris acte de la rupture de son contrat aux torts de l’employeur.
Pour rejeter sa demande d’indemnisation au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d’appel avait estimé que le changement d’affectation opéré par l’employeur était une simple application de la clause de mobilité « tant géographique que fonctionnelle » prévue dans le contrat de travail de l’intéressée et relevait donc de son pouvoir de direction. Pour les juges du fond, cette mesure ne revêtait en outre aucun caractère discriminatoire dans la mesure où l’employeur ne s’était référé à la maladie de l’intéressée que pour expliquer son choix d’un poste moins générateur de stress pour une personne qui était en train de se rétablir d’un accident vasculaire et ne pouvait travailler qu’à mi-temps.
Parmi les différents arguments invoqués à l’appui du pourvoi formé contre cette décision, la Cour de cassation retient celui fondé sur le caractère discriminatoire de la mesure décidée par l’employeur : elle rappelle que, conformément à l’article L 1132-1 du Code du travail, aucun salarié ne peut faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en matière d’affectation, de qualification ou de mutation, en raison de son état de santé. Dès lors qu’elle avait constaté que le changement d’affectation était fondé sur l’état de santé de la salariée (comme le démontrait la lettre informant l’intéressée de cette mesure), la cour d’appel aurait dû en conclure à l’existence d’une discrimination au sens de ce texte et accueillir de ce fait la demande de la salariée.
Cette décision est dans la ligne de la jurisprudence qui condamne les décisions de l’employeur ouvertement fondées sur l’état de santé du salarié : retard de carrière, mesure disciplinaire ou licenciement notamment.
Il est vrai que les différences de traitement fondées sur l’inaptitude constatée par le médecin du travail en raison de l’état de santé ou du handicap ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectives, nécessaires et appropriées (C. trav. art. L 1133-3). Mais, dans cette affaire, le médecin du travail n’avait pas conclu à une inaptitude de la salariée à son ancien poste. Il l’avait considérée apte à la reprise de son emploi dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique, sans autre précision semble-t’il. Or, comme l’a récemment souligné la Cour suprême, l’article L 1133-3 du Code du travail ne saurait être invoqué lorsque le salarié a fait l’objet d’un avis d’aptitude assorti de restrictions (Cass. soc. 25 janvier 2011 n° 09-72.834: N-VII-4955).
Conformément à une jurisprudence constante, cet avis d’aptitude imposait en principe à l’employeur de réintégrer l’intéressée dans son ancien emploi ou dans un emploi similaire assorti d’une rémunération équivalente (Cass. soc. 25 février 1997 n° 94-41.351 et Cass. soc. 26 mai 2010 n° 08-43.152 : N-V-10450 s.), une clause de mobilité géographique ne pouvant faire échec à cette règle (Cass. soc. 28 mars 2007 n° 05-45.927 : N-V-10455).
Précisons en outre que si l’employeur n’était pas d’accord avec l’avis d’aptitude, il pouvait le contester auprès de l’inspecteur du travail selon la procédure prévue par l’article L 4624-1 du Code du travail. Or, il n’avait pas sollicité un avis complémentaire de la part du médecin du travail, ni contesté son avis.
(source Editions Francis Lefebvre, avril 2011)